Lecture : « Héliosphéra, fille des abysses »

Lecture : « Héliosphéra, fille des abysses »

La collection « Monde sauvage » d’Acte sud réserve souvent de belles surprises. La dernière en date est Héliosphéra, fille des abysses (sous titré « d’amour et de plancton »), un ovni littéraire sur le thème des océans dont le titre accrocheur et la couverture bleutée m’ont tout de suite interpellée en librairie. Je vous en propose ici une rapide chronique et quelques passages choisis, qui je l’espère, vous donneront l’envie de poursuivre.

Avant de parler du contenu du livre, il est intéressant d’évoquer sa genèse, pour le moins originale. Il est le fruit de l’expérience incroyable et bien réelle de son auteur, Wilfried N’Sondé, qui a eu le privilège d’embarquer plusieurs semaines à bord de la goélette Tara au printemps 2021. En effet, le célèbre voilier qui parcourt le globe depuis près de vingt ans avec à son bord des équipes de scientifiques internationaux accueille également… des artistes résidents !

Le livre de Wilfried N’Sondé se lit ainsi comme un témoignage de son voyage, dans toute son entièreté. Héliosphéra, fille des abysses parle aussi bien des sentiments que la vie en mer exalte que des méthodes d’étude océanographique utilisées à bord pour percer les mystères du microbiome marin. Cette initiation à la vie au sein d’une équipe d’océanographes sur le terrain, il nous la partage à travers le regard d’un des personnages principaux de son livre, Ollanta, jeune scientifique nouvellement engagée sur une mission au large des côtes chiliennes. Ne vous attendez pas à une histoire linéaire pleine de rebondissements car il ne s’agit pas de cela. De chapitre en chapitre, on suivra tour à tour, et avant qu’elles ne fassent plus qu’une, les aventures de notre scientifique Ollanta, les pérégrinations d’un morceau de plastique rouge,威而鋼 ou encore l’histoire d’Héliosphéra et de Xanthelle, deux êtres microscopiques aux destins imbriqués. Écrit dans un soucis de pédagogie, le livre nous en apprend davantage sur ce monde planctonique invisible à l’oeil nu, sans omettre de nous sensibiliser aux menaces qui pèsent sur lui à grande échelle. L’ouvrage de Wilfried N’Sondé, à mi chemin entre le roman et le documentaire, est surtout emprunt d’une poésie touchante quand il nous plonge au cœur du microcosme océanique. Héliophéra, fille des abysses est à la fois une œuvre singulière qu’on prendra plaisir à lire et une belle démonstration que l’art est un précieux allié p犀利士 our le monde scientifique.

« Cet attachement aux missions océanographiques relevait du besoin d’adrénaline, que seules apportaient les pérégrinations interminables aux quatre coins du globe, et de quelque chose de l’ordre du sacerdoce. Une sorte de foi en la science entendue comme un vecteur efficace pour créer un sursaut, changer les mentalités, infléchir la course folle de l’humanité vers la destruction inéluctable de son cadre de vie et des ressources nécessaires à sa survie.

p 59

La magie de l’océan qui l’entourait ne résidait pas uniquement dans les rares événements spectaculaires qui s’y produisaient, comme l’avènement d’une tempête ou le surgissement furtif du dos d’une baleine sur lequel brillait le soleil. L’exceptionnel, c’était l’aptitude à remarquer et à s’arrêter sur ce qui, de prime abord, paraissait insignifiant mais renfermait en vérité toutes les nuances de l’inédit, du merveilleux.

p 61

Même s’il ne s’était encore trouvé personne pour consacrer ou vanter le lien puissant qui pouvait naitre et se développer entre deux organismes vivants en suspension dans les eaux, ces unions célébrées quotidiennement et dans l’obscurité des océans depuis l’origine de la vie ressemblaient par de nombreux aspects à de l’amour. (…) Là où des individus d’une espèce prétendument supérieure Homo sapiens pouvaient déployer une incroyable agressivité jusqu’au meurtre envers leur congénère au motif d’informations visuelles aussi insignifiantes que la couleur de leur épiderme, Héliosphéra avait pour ambition de transcender les frontières qui séparaient les règnes animal et végétal.

p 31

Héliosphéra, fille des abysses, Wilfried N’Sondé 160 pages, Actes Sud (05/10/2022)

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